octobre 11, 2008

Urbanisme souterrain à Kiev, Ukraine


Lundi 6 octobre, 3 heures du matin. Les lumières du passage souterrain situé au croisement de Shevchenka Street et Khreschatyk Street, dans le centre-ville de Kiev, sont encore allumées. Le vigile, assis sur sa chaise depuis la tombée de la nuit, ne fait pas attention aux cris de trois anglophones ivres provenant d'une allée éloigné. Un niveau plus bas se trouve la salle de jeux en ligne et de connexion Internet. C'est le lieu préféré des geeks de Kiev. Parmi la centaine d'ordinateurs, près du tiers sont occupés à cette heure tardive grâce au tarif nuit complète à 3 euros. C'est le seul commerce du passage à rester ouvert pendant la nuit, le reste de l'activité nocturne se concentrant sporadiquement autour de la machine à café et d'une salle de jeux d'argent.

Le passage souterrain, élément d'urbanité

Le passage sous-terrain, forme urbaine récurrente des villes de l'est de l'Europe, est un élément central des grandes villes de l'ex-URSS. Sa fonction première consiste à la traversée des axes de circulation automobile. Kiev, Moscou, Varsovie, Tallinn, jusqu'à Erevan en Arménie, ils participent à une stricte séparation des flux piétonniers de la voie, territoire de l'automobile. Sans être nécessairement reliés aux métros, ces espaces sont également consacrés à des usages de « haltes », à commencer par le commerce. Cet héritage d'un urbanisme d'un autre temps est aujourd'hui un élément urbain avec lequel il faut faire. D'autant que ces espaces ne souffrent pas nécessairement d'une image mauvaise, associée par exemple aux couloirs de métros parisiens dont la fonction principale reste la circulation. Ces passages accueillent une grande partie de ce que vendent traditionnellement les « commerces résidentiels »: presse, jeux vidéos, snacks, cigarettes, vêtements...



Un espace lié aux évolutions économiques de la ville

La place de l'Indépendance (Maydan), lieu névralgique de la lointaine révolution orange de 2004, possède elle-aussi son réseau de passage souterrain. Ici toutefois, le statut central du lieu a légitimé une évolution inattendue des commerces qu'il accueille. « Swarowski », « Hugo Boss », « Sinéquanone »... ce sont des enseignes haut de gamme, voir de luxe, qui ont colonisé cet espace. La fonction de halte a fini par prédominer sur la fonction circulatoire, et l'espace public a été investi par des terrasses de café. Le « remodelage » de l'urbanisme souterrain a aussi donné lieu à la percée d'une baie géante ouvrant le souterrain de Maydan aux rayons du soleil.




Un urbanisme mis sous tension par sa localisation centrale dans la Ville ?

On imagine mal ces espaces fonctionner en périphérie aussi bien que dans le centre-ville de Kiev. Et très vite, quand on s'éloigne du centre, ces passages deviennent de simples couloirs sans commerces. Si les divers passages souterrains centraux se sont « spécialisés » dans des usages précis (commerce haut de gamme, internet, garderie d'enfants), complémentaire à l'usage circulatoire, les mêmes types d'espaces en périphérie restent peu attractifs. Leur caractère anxiogène et exigüe prend le dessus sur d'hypothétiques usages liées à un lieu « urbain ». De plus, la dissociation extrême entre espace du piéton et espace de l'automobile, induite par ces passages souterrains, contribue à accroître la dimension automobile du centre-ville, quand la congestion automobile, croissante à Kiev, n'a pas déjà rendue obsolète la vocation des passages à fluidifier la circulation automobile. Le modèle du passage souterrain est donc bel et bien révolu. Leur reconversion en tant que bâti existant à remodeler interpelle toutefois sur les pistes possible à suivre pour réhabiliter en France des espaces similaires, tels les couloirs de métro parisiens, ou encore les Halles.



En arrière-plan, la baie vitrée du réseau de gallerie commerciale "souterraine" de Maydan

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