décembre 28, 2008

Dérive urbaine autour de la rénovation de la Gaité Lyrique

Les habitants du quartier de la rue Papin préfèrent l'appeler la « tristesse muette » plutôt que la « Gaité lyrique ». Entre abandon politique et projets insensés, le bâtiment construit en 1862 par l'architecte Alphonse Cusin a subi ce que certains qualifient de « désastre patrimonial », malgré l'inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. Depuis le début des années 2000, le projet d'un espace de création et de diffusion voué aux musiques actuelles, et aux arts numériques, s'apprête à ouvrir une nouvelle ère pour le site. A l'heure de la course des grandes métropoles mondiales, l'objectif, défini par la maîtrise d'ouvrage, est de combler le retard accumulé par Paris dans le domaine des musiques « actuelles », à savoir le rap, l'électro et le rock, et en matière d'arts numériques. Sur le chantier, les constructeurs s'affairent à la rénovation de l'intérieur du bâtiment et à la restauration des derniers éclats architecturaux conservés du bâti original traumatisé par la furtive période du « parc de loisir », avant que ne soient mises en place les installations électroniques et télévisuelles qui donneront son âme au nouveau centre multimédia et musicale de la capitale parisienne.




D'Offenbach à la « Planète magique »


Construite en 1861 par les architectes Alphonse Cusin et Hittorf (concepteur de la place de la Concorde), la Gaité Lyrique voit le jour suite à la percée du boulevard Voltaire, alors siège du « théatre de la Gaité », qui amène à déplacer le théâtre à la rue Papin voisine. Une des plus grandes salle parisienne à l'époque, elle cherche à répondre à un des principes porté par Haussmann :"Faire des nouveaux théâtres des monuments dignes de la capitale de la France, les construire solidement et les décorer richement, y créer des accès larges et faciles, des salles bien éclairées, bien aérées...". Le vis-à-vis avec le square des Arts et Métiers permet de mettre plus encore en valeur cette architecture pour le plaisir des promeneurs. Jean Offenbach, qui en prend la direction à partir de 1872, contribue à faire du lieu le « temple de l'opérette »: récitals de Georges Guétary, des Compagnon de la Chanson, ou de Luis Mariano, feront de cette époque celle qui fait aujourd'hui le plus mémoire aux parisiens. Au début du 20ème siècle, la Gaité accueille le succès des ballets russes. Après les guerres mondiales, le lieu s'endort progressivement, accueillant encore quelques représentations, et malgré l'accueil d'une école de théâtre entre 1972 et 1978. Entre problèmes de sécurité et un portage politique de la ville peu enthousiaste, la Gaité se ferme sur le quartier jusqu'à la fin des années 1980.



Alphonse-Adolphe Cusin (1820-après 1895)Théâtre de la Gaîté, élévation de la façade principale et profilsVers 1861Mine de plomb, plume et encre noire, aquarelleH. 68,7 ; L. 102,7 cmParis, musée d'Orsay© Photo RMN, René Gabriel Ojéda

Dans les années 1980, Jean Chalopin, producteur de dessins animés, lance un projet de parc de loisirs en partenariat avec la Ville de Paris qui engage près de 26 millions d'euros. « La planète magique », ouvre à la fin de l'année 1989... elle est un échec cinglant au bout de quelques semaines. La réhabilitation du bâtiment s'élève à la somme de 280 millions de francs, soit près de 43 millions d'euros, et entraîne la destruction de la quasi-totalité de l'ossature du bâtiment. La grande salle à l'italienne de 1 800 places, et la fosse accueillant les orchestres, sont détruits. Il reste aujourd'hui de l'architecture initiale, suite à cette rénovation brutale, le hall d'entrée, le foyer, et surtout la façade de l'immeuble, des sculpteurs Eugène-Louis Godin et Amédée-Donatien Doublemard. Décomposé en trois ensembles caractérisés par des séries d'arcades, la façade est surmonté de loggias au premier étage. Elle donne à voir un édifice somptueux et au promeneur depuis le square des Arts et Métiers.

Le nouveau projet, entre « musique actuelle » et « arts numériques »


La nuit blanche de 2002 rouvre le lieu aux parisiens qui découvrent ce « lunar park », contrastant l'historicité de sa façade au futurisme ringard de l'intérieur avec les décors du parc de loisirs. Entre annonce politique et magnification architecturale, l'éphémère de l'évènement Nuit Blanche, mis en place pour l'occasion par un scénographe, contribue à interpeller et questionner les passants sur l'existence de ce lieu. La partie du projet voué aux « arts numériques » constitue l'apport majeur de la réhabilitation du site. La rénovation conduite par le maître d'œuvre « Manuelle Gautrand Architectes » prévoit la restauration des derniers héritages architecturaux du bâtiment décrits plus haut: la façade, l'entrée, et le foyer. Minoritaires, ces éléments composent 400 m² sur une surface totale de 10 000 m². Le projet annonce donc surtout le remodelage complet de l'intérieur du bâtiment.



Façade la Gaité Lyrique en chantier, vue de puis le square des Arts et Métiers

Photographie: Alexandre Laignel, Janvier 2009


Rompant avec la logique du musée monofonctionnel, la Gaité se voudra un espace de production artistique, avec une grande salle de spectacle de 308 places en spectacle (950 en concert), un théâtre des médias, et une salle de conférence d'environ 100 places chacun. A ces espaces dont la vocation sera clairement définie, l'architecte prévoit des « espaces de respiration », réponse aux besoins exigeant du marché de définition. Pour l'essentiel ces espaces accueilleront la partie « création » ainsi que les lieux "publics": expositions, médiathèque, ainsi que les cafés, et les accueils des publics. Modulables en fonction des évolutions des usages, ces espaces pourront être réaménagés pour mettre en lien, ou bien cloisonner, les grands ensembles du bâtiment.

Certains éléments hérités de la période "parc de loisirs" seront aussi réutilisés pour reconstituer le nouveau projet. Si cette période apparaît négativement dans l'histoire du lieu, la conservation de certaines de ces traces s'imposent parfois, comme pour les murs et les planchers, et dans d'autres cas elle se veut un acte du refus de reproduire à nouveau une table rase, à travers la conservation de certains éléments de qualité.


WEBOGRAPHIE

Le Moniteur - http://www.lemoniteur.fr/actualite/architecture_maitrise_oeuvre/travaux_theatre_parisien_gaite_lyrique/D8857CB21.htm


Dossier de presse de la Ville de Paris sur le projet - http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=7518


Article du journal "Le Figaro" -
http://www.lefigaro.fr/culture/2008/01/05/03004-20080105ARTFIG00399-la-gaite-lyrique-transformee-en-temple-des-arts-numeriques.php


Site internet de l'ancien parc d'attractions « Planète Magique » - http://planetemagique.free.fr/index2.html



novembre 23, 2008

Au Petit-Colombes, « La Marine » laisse place à un écoquartier

Adossé au boulevard Charles de Gaulle à Colombes, à 5 minutes de La Défense, le site de « La Marine » vit une nouvelle mutation. Depuis juillet dernier, les pelleteuses s'activent, avec pour objectif de détruire l'un des bâtiments emblématiques de l'industrie aéronautique, l'usine Amiot1. Le début des travaux du tramway T2 avait accéléré le besoin de penser un projet urbain, au coeur d'un territoire longtemps considéré comme un lieu de rejet de ce que Paris ne voulait pas : logements sociaux, centre d'accueil des sans-abris, industries.



La nouvelle donne politique, avec la victoire de la gauche, menée par le socialiste Philippe Sarre, aux dernières municipales, a relancé la réflexion sur le devenir des lieux. Jacques Grossard, directeur de la CODEVAM en charge de l'aménagement du site pour la ville, explique que le nouveau projet est né de « la prise de conscience de la nouvelle équipe qu'il faut passer aux actes sur l'écologie ». Le terrain de 4 hectares constitue de ce point de vue « une réelle opportunité ». Cinq grands axes guideront la conception de l'écoquartier : desserte propre avec le tramway, gestion de l'eau intelligente, collecte des ordures, construction de bâtiments économes en énergie, et chauffage solaire. « La démarche écologique ne doit pas être élitiste », précise Jacques Grossard, expliquant la démarche de concertation menée par la Ville. Un comité de pilotage associant les habitants s'attachera à assurer la prise en compte des spécificités du territoire, pour réfléchir à de nouvelles manières d'intégrer la dimension historique au nouveau projet. Aux « Bruyères », dans la ville voisine de Bois-Colombes, on a ainsi conservé une soufflerie pour l'édification de la façade d'une école. A Nanterre, on a misé sur la réutilisation des matériaux et couleurs rappelant le bâti original pour la construction de nouveaux bâtiments ou le parc pour des aménagements paysagers.




La disparition totale de l'ancienne usine suscite l'amertume chez les acteurs du patrimoine à Colombes, comme l'Association des Amis du musée de Colombes. En effet en 1997, la mairie PCF avait avancé un projet conçu par l'architecte Philippe Robert, basé sur la qualité architecturale d'une partie du site et le maintien dans les murs du musée des transports. Une esquisse qui prévoyait aussi l'ouverture d'un parc sur le boulevard, et la création de logements et de bureaux. Malgré la solidité du projet, la passage de la mairie à droite en 2001 avait tout stoppé net. Qualifiée de « vieilleries », la collection de bus était alors promise à un déménagement sans gloire, et la destruction du bâtiment définitivement scellée.




Du fait de la proximité de La Défense, le financement du projet devrait être assuré par les promoteurs, malgré le contexte économique. Les travaux ayant déjà débuté, le nouveau quartier devrait sortir de terre en 2011, en même temps que le tramway.


Photographies: Alexandre Laignel


1En 1916, l'ingénieur Félix Amiot installe son usine d'aéronautique à Colombes et investi dans la sous-traitance et l'innovation. Dans le quartier, bars et brasseries sont animés par les ouvriers. Les années 1930 sont plus délicates, l'usine ayant du mal à faire face à de trop nombreuses commandes. Puis, pendant l'Occupation, Amiot produit des junker 52 allemands, malgré les actes de sabotages. Après la guerre, l'armée rachète le site, pour en faire un site de stockage et de gestion du personnel. Le musée des Transports y installe sa collection de bus et tramways en 1997.



Article écrit pour le journal "l'Humanité" - http://www.humanite.fr/2008-11-24_Societe_Au-Petit-Colombes-la-Marine-laisse-place-a-un-ecoquartier



octobre 15, 2008

Résumé de mémoire universitaire - Evolution des densités, pratiques et images des rives de la RD 992 à Colombes

Evolution des densités, pratiques et images des rives de la RD 992 à Colombes - Densification et évolution de l'espace vécu en petite couronne parisienne - Résumé de mémoire universitaire soutenu en septembre 2008 sous la direction d'Antoine Brès - Magistère Aménagement et Urbanisme - Paris 1 - Panthéon Sorbonne. 135 pages.



La porte du Grand Colombes“, ”Les Champs-Elysées de Colombes”, ”Nouveau boulevard urbain”,Les portes de La Défense“... Les enjeux économiques, politiques et sociaux ouverts par l'évolution des rives d'un axe d'importance régional stimulent les volontés politiques d'associer à un événement urbanistique un projet capable de trouver sa place dans les pratiques et les images locales de la cité. La RD 992, désignée “boulevard Charles de Gaulle” dans sa partie traversant l'ouest de la commune de Colombes, se situe au coeur du processus de densification de la petite couronne parisienne observée depuis les années 1970. Comme sur d'autres radiales franciliennes, l'urbanisation participe ici à un englobement de l'urbain existant, et de ces centralités, à partir des rives de l'axe.


D'une conception fonctionnaliste de la ville à des logiques attachées à l'image, l'évolution de ce quartier fragmenté bouleverse les formes de l'espace vécu du Petit Colombes. Alors que le “rond-point du Petit-Colombes” ou le croisement des rues “Colbert/Gabriel Péri” apparaissent aujourd'hui comme des centralités éteintes, l'analyse de certaines parties du territoire montre la constitution de nouveaux centres. Les opérations ponctuelles réalisées le long de l'axe semblent essayer de s'intégrer de manière nouvelle à l'espace public, en anticipant l'effet “structurant” du tramway apte à générer de la riveraineté le long de l'axe. Cette question de l'intégration des îlots riverains à la voie en lien avec la modification des conditions de circulation en petite couronne reste peu traitée aujourd'hui, alors qu'elle constitue un des principaux mode de production de la ville aujourd'hui. C'est ce constat qui justifie la problématique suivante: la densification radiale en petite couronne est-elle l'occasion de redéfinir, voire dépasser, la conception en terme de centralité de l'espace vécu ?


L'explication de l'évolution des centralités en petite couronne grâce à l'approche en terme d'inscription territoriale des mouvements et des formes de riveraineté (BRES, 2003) s'avère éclairante dans le cas du boulevard Charles de Gaulle (RD 992), voie radiale d'importance de l'agglomération parisienne et de La Défense. Territoire de rejet d'activités industrielles caractérisé par un urbanisme de bloc et de rives pavillonnaires étendues, le Petit-Colombes s'est construit au long du 20ème siècle dans un face à face opposant acteurs de l'aménagement étatiques et communaux. L'expression de ce conflit d'acteur s'illustre par la servitude d'élargissement pesant sur les parcelles en façade du boulevard jusqu'en 1975, empêchant tout construction nouvelle ou réhabilitation.



30 ans après l'aménagement du profil actuel du boulevard, la requalification de la voie annoncée par l'arrivée du tramway enclenche une rénovation de ses rives, au cœur de laquelle s'impose l'image d'une certaine modernité incarnée par la CBD de La Défense. Le passage d'une situation de sortie de ville (années 1980) à celui d'un « boulevard urbain » (années 2020 ?) se réalise selon trois dimensions – la riveraineté, l'image, et les fonctions – au premier plan de laquelle la riveraineté, et la capacité du quartier à « faire halte », apparait comme un des facteurs majeur de la renaissance en terme de centralité du Petit-Colombes. Cette définition de la centralité au Petit-Colombes permet d'établir un certain nombre de constats quant à l'évolution présente et future du quartier.



Les évolutions récentes des formes urbaines du boulevard et de ses rives dessinent 3 grandes séquences correspondantes aux futures haltes du tramway, autour desquelles s'affirment des formes plus ou moins concrètes de centralités: la centralité « Rond-point », marquée par l'image de sortie de ville « finie » par l'autoroute, dont l'intermodalité T1-T2 prévue pourrait reconstituer une trame commerciale aujourd'hui pauvre. La centralité « sud » affiche une image « moderne », mais reste ségrégée de la ville et du boulevard par une intégration de la voiture dissociée de la voie, de sorte que l'espace vécu des cols-blancs de ce secteur ne franchisse pas la rive est du boulevard. Troisième centralité structurée par le tramway, le carrefour des quatre chemins, entre-deux des territoires du Petit-Colombes et du Petit-Nanterre dont la centralité commerciale demeure encore, malgré la reconstitution des équipements publics sur les rives nord du boulevard.



Il ressort des évolutions récentes qu'aucun de ces espaces ne s'affirme en lui-même à travers les trois conditions de la centralité définies. C'est ce qui justifie l'enjeu de la couture de ces trois espaces dans un dessein de « boulevard urbain ». Le projet de « boulevard urbain commercial » revendiqué par le pouvoir politique à travers l'expression de « Champs Elysées de Colombes », se heurte à des limites, puisque la fonction résidentielle du quartier s'est en certains lieux intensifiée, et que le renouvellement des types de commerces reste modéré. Si l'évolution du boulevard tend à constituer un espace vécu mis sous tension autour de l'ensemble du boulevard, le choix de l'essor d'un pôle hôtelier (ZAC Charles de Gaulle et ZAC Marine), ou d'une certaine intégration de la voiture dissociée de la voie, limite la possibilité de riveraineté.



L'idée générale que l'on pourrait retenir à l'issue de l'analyse de l'évolution des espaces vécus du Petit-Colombes est que la requalification de la voie par le tramway ne suffit pas à elle-seule à revitaliser les pratiques d'un lieu. Assurer les modalités de la halte automobile selon une configuration propice à générer de la riveraineté est tout aussi important, car si la circulation automobile diminuera manifestement sur la RD 992, elle restera encore un vecteur majeur d'urbanité à prendre en considération. De même que la question des modalités de la halte des circulations cyclistes et deux roues apparaissent décisives. Enfin, on retiendra l'idée que l'empreinte sociologique inhérente au territoire doit être prise en compte dans le projet, afin que la 3ème phase de rénovation du boulevard ne créée pas un nouveau traumatisme urbain. L'urbanisme « vernaculaire » apparaît dans cette perspective comme essentiel dans la mise sous tension des espaces centraux à l'image du carrefour des quatre chemins, ce que les logiques financières appliquées jusque là n'avaient réussies à faire que faiblement avec le développement hôtelier du boulevard. A ce titre, le territoire du Petit-Colombes et ses inerties recèle de qualités sociales, économiques, géographiques, et patrimoniales, pouvant constituer le nouveau point de départ de la pacification, puis du développement, du boulevard.






Mémoire universitaire - Le "Petit-Colombes" demain, un territoire central ?

octobre 11, 2008

Urbanisme souterrain à Kiev, Ukraine


Lundi 6 octobre, 3 heures du matin. Les lumières du passage souterrain situé au croisement de Shevchenka Street et Khreschatyk Street, dans le centre-ville de Kiev, sont encore allumées. Le vigile, assis sur sa chaise depuis la tombée de la nuit, ne fait pas attention aux cris de trois anglophones ivres provenant d'une allée éloigné. Un niveau plus bas se trouve la salle de jeux en ligne et de connexion Internet. C'est le lieu préféré des geeks de Kiev. Parmi la centaine d'ordinateurs, près du tiers sont occupés à cette heure tardive grâce au tarif nuit complète à 3 euros. C'est le seul commerce du passage à rester ouvert pendant la nuit, le reste de l'activité nocturne se concentrant sporadiquement autour de la machine à café et d'une salle de jeux d'argent.

Le passage souterrain, élément d'urbanité

Le passage sous-terrain, forme urbaine récurrente des villes de l'est de l'Europe, est un élément central des grandes villes de l'ex-URSS. Sa fonction première consiste à la traversée des axes de circulation automobile. Kiev, Moscou, Varsovie, Tallinn, jusqu'à Erevan en Arménie, ils participent à une stricte séparation des flux piétonniers de la voie, territoire de l'automobile. Sans être nécessairement reliés aux métros, ces espaces sont également consacrés à des usages de « haltes », à commencer par le commerce. Cet héritage d'un urbanisme d'un autre temps est aujourd'hui un élément urbain avec lequel il faut faire. D'autant que ces espaces ne souffrent pas nécessairement d'une image mauvaise, associée par exemple aux couloirs de métros parisiens dont la fonction principale reste la circulation. Ces passages accueillent une grande partie de ce que vendent traditionnellement les « commerces résidentiels »: presse, jeux vidéos, snacks, cigarettes, vêtements...



Un espace lié aux évolutions économiques de la ville

La place de l'Indépendance (Maydan), lieu névralgique de la lointaine révolution orange de 2004, possède elle-aussi son réseau de passage souterrain. Ici toutefois, le statut central du lieu a légitimé une évolution inattendue des commerces qu'il accueille. « Swarowski », « Hugo Boss », « Sinéquanone »... ce sont des enseignes haut de gamme, voir de luxe, qui ont colonisé cet espace. La fonction de halte a fini par prédominer sur la fonction circulatoire, et l'espace public a été investi par des terrasses de café. Le « remodelage » de l'urbanisme souterrain a aussi donné lieu à la percée d'une baie géante ouvrant le souterrain de Maydan aux rayons du soleil.




Un urbanisme mis sous tension par sa localisation centrale dans la Ville ?

On imagine mal ces espaces fonctionner en périphérie aussi bien que dans le centre-ville de Kiev. Et très vite, quand on s'éloigne du centre, ces passages deviennent de simples couloirs sans commerces. Si les divers passages souterrains centraux se sont « spécialisés » dans des usages précis (commerce haut de gamme, internet, garderie d'enfants), complémentaire à l'usage circulatoire, les mêmes types d'espaces en périphérie restent peu attractifs. Leur caractère anxiogène et exigüe prend le dessus sur d'hypothétiques usages liées à un lieu « urbain ». De plus, la dissociation extrême entre espace du piéton et espace de l'automobile, induite par ces passages souterrains, contribue à accroître la dimension automobile du centre-ville, quand la congestion automobile, croissante à Kiev, n'a pas déjà rendue obsolète la vocation des passages à fluidifier la circulation automobile. Le modèle du passage souterrain est donc bel et bien révolu. Leur reconversion en tant que bâti existant à remodeler interpelle toutefois sur les pistes possible à suivre pour réhabiliter en France des espaces similaires, tels les couloirs de métro parisiens, ou encore les Halles.



En arrière-plan, la baie vitrée du réseau de gallerie commerciale "souterraine" de Maydan